avertissement
Dans son blog, Albin journalier publiait le dimanche une manière de supplément, Albin dimanche, dans lequel il adaptait textes ou citations d'auteurs recherchés, morts ou vifs.
Albin irrégulier, qui fait rien qu'à copier, reprend le procédé. Histoire de revenir, l'air de rien, sur son petit bouquin.
5.1. se livre par les mots d'avant
Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple, et dont l'exécution n'aura point d'imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature; et cet homme, ce sera moi.
Moi seul. Je sens mon cœur, et je connais les hommes. Je ne suis fait comme aucun de ceux que j'ai vus; j'ose croire n'être fait comme aucun de ceux qui existent. Si je ne vaux pas mieux, au moins je suis autre. Si la nature a bien ou mal fait de briser le moule dans lequel elle m'a jeté, c'est ce dont on ne peut juger qu'après m'avoir lu.
Que la trompette du jugement dernier sonne quand elle voudra, je viendrai, ce livre à la main, me présenter devant le souverain juge. Je dirai hautement : « Voilà ce que j'ai fait, ce que j'ai pensé, ce que je fus. J'ai dit le bien et le mal avec la même franchise. Je n'ai rien tu de mauvais, rien ajouté de bon; et s'il m'est arrivé d'employer quelque ornement indifférent, ce n'a jamais été que pour remplir un vide occasionné par mon défaut de mémoire. J'ai pu supposer vrai ce que je savais avoir pu l'être, jamais ce que je savais être faux. Je me suis montré tel que je fus : méprisable et vil quand je l'ai été; bon, généreux, sublime, quand je l'ai été : j'ai dévoilé mon intérieur tel que tu l'as vu toi-même. Être éternel, rassemble autour de moi l'innombrable foule de mes semblables; qu'ils écoutent mes confessions, qu'ils gémissent de mes indignités, qu'ils rougissent de mes misères. Que chacun d'eux découvre à son tour son cœur au pied de ton trône avec la même sincérité, et puis qu'un seul te dise, s'il l'ose : Je fus meilleur que cet homme-là.
Albin R.
5.2. se livre avec des mots anciens
C'est ici un livre de bonne foi, lecteur. Il t'avertit, dés l'entrée,
que je ne m'y suis proposé aucune fin, que domestique et privée. Je n'y
ai eu nulle considération de ton service, ni de ma gloire. Mes forces ne
sont pas capables d'un tel dessein. Je l'ai voué à la commodité
particulière de mes parents et amis : à ce que m'ayant perdu (ce qu'ils
ont à faire bientôt) ils y puissent retrouver aucuns traits de mes
conditions et humeurs, et que par ce moyen ils nourrissent, plus altiére
et plus vive, la connaissance qu'ils ont eue de moi. Si c'eût été pour
rechercher la faveur du monde, je me fusse mieux paré et me présenterais
en une marche étudiée. Je veux qu'on m'y voie en ma façon simple,
naturelle et ordinaire, sans contention et artifice : car c'est moi que
je peins. Mes défauts s'y liront au vif, et ma forme naïve, autant que
la révérence publique me l'a permis. Que si j'eusse été entre ces
nations qu'on dit vivre encore sous la douce liberté des premières lois
de nature, je t'assure que je m'y fusse très volontiers peint tout
entier, et tout nu. Ainsi, lecteur, je suis moi-même la matière de mon
livre : ce n'est pas raison que tu emploies ton loisir en un sujet si
frivole et si vain. Adieu donc.
Albin de M.