vendredi 17 janvier 2014

6. du soir au matin


Led Lexman à la main, Albin pour la trente-sixième fois passe devant le rideau tiré de la boulangerie, éclaire la rue déserte, dans la nuit parle d'infini, d'un centre qui est partout quand la circonférence ne serait nulle part, tourne et tourne et recommence, ressasse et remet ça, en rond tourne et scrute, cherche on ne sait qui, ni quoi, quel dieu ou son bureau, un homme ou le septième douillet, quoi ou qui d'autre encore, son ombre, l'improbable simbleau...

Le matin le voit défait. Au réveil Albin ne ressemble à rien. Tant bien que mal se glisse dans la peau à peine repassée de l'Albin d'hier.
Pratiquant l'art extrême de sembler, Albin va jusqu'à faire semblant

Le matin prend son thé et des airs. Albin superficiel opte aujourd'hui pour l'air profond. Le Wu Long, 烏龍 en chinois, est ce thé bleu-vert aux saveurs de châtaigne, de noisette et de miel. Une fois par semaine Albin routinier choisit le Wu Long et l'air et la manière de simuler la dissimulation.



1 commentaire:

  1. Moi c'est pareil, mi ché le même (après près de trente ans de vie commune, ça fait toujours rire quand Jacky parle chti), le matin, faut s'extraire de dessous la couette, se lever, chercher, ah oui, les chaussons, attendre que Teki veuille bien parce que c'est jamais le premier même à lui dire et si tu devais chasser point d'interrogation, ent'rouve un oeil, le second ce serait trop lui demander, se dit le temps qu'il retrouve ses chaussons c'est toujours ça de pris et puis voilà l'escalier, la porte de la cuisine et le paquet de gâteaux, c'est comme ça depuis qu'on l'a adopté, on nous avait prévenus, le matin, il aime ses Marquies qui sont devenus ces autres gâteaux qu'on achète dans un emballage en alu précisant bien qu'ils, les gâteaux, ne contiennent aucune trace de boeuf, le pauvre est allergique, deux gâteaux donc et hop quoique le hop devienne maintenant de plus en plus lourd le canapé, au besoin se débarrasse d'un coussin histoire de bien poser la tête sur l'accoudoir et attendre, attendre que Jacky descende, douché qui sent bon dans son peignoir gris, café, tout ça, le thé c'est après le déjeuner que j'en bois, Jacky continue à préférer le café, "le thé, nous dira-t-il avec un plaisir toujours renouvelé, c'est une affaire de tantes", chacun pense à sa façon, faut dire qu'il a pas tout à fait tort quand on va le chercher, le thé, rue de la Tour Tibourg, c'en est plein, de tantes j'entends, à mettre le nez dans les grandes boîtes métalliques "ça te rappelle pas le Népal, Bichon?" moi j'écourte, je fais vite, du thé de Birmanie, s'il vous plait, y'a pas à se tromper, de toutes les façons, ils n'en vendent qu'un seul et c'est parti, même chose à la boulangerie, me demande même plus ce que je veux, rien qu'à me voir entrer la baguette est sur le comptoir, un zéro sept et c'est parti jusqu'au lendemain sauf que des fois je l'avoue, quand je suis pressé, j'en prends au super u, prenant bien soin de le mettre dans le coffre de la voiture, on sait jamais, des fois que la boulangère serait sur la pas de la porte et ma baguette bien en évidence sur le tableau de bord, vous imaginez, c'est pas de l'art de la dissimulation ça?

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